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Psychothérapie humaniste aujourd’hui

Les psychothérapies humanistes aujourd’hui

Rédigé par le Dr Michel Delbrouck

1. Définition

La psychothérapie humaniste centrée sur la personne et expérientielle considère « l’homme dans l’interaction de toutes ses dimensions : physique, émotionnelle, cognitive, sociale et spirituelle ».est un processus psychique opérant à partir de la rencontre entre un professionnel et une personne, un couple ou un groupe qui souhaite améliorer un état de souffrance psychique, et/ou existentiel, lié à des troubles mentaux et/ou organiques, à des difficultés relationnelles, émotionnelles ou sociales.

Cette psychothérapie s’appuie sur un savoir, un savoir-faire et un savoir-être validés par les démarches clinique et scientifique de type hypothético-déductive et dans certains cas empiriques.

Les fondements et le cadre conceptuel de la psychothérapie humaniste centrée sur la personne et expérientielle sont basés sur une théorie générale du psychisme humain, un regard anthropologique, un arrière-plan phénoménologique, une psychopathologie, une théorie de la relation, une position éthique et déontologique du psychothérapeute. À l’intérieur de ce même cadre conceptuel, se conjuguent et se complètent les diverses modalités des psychothérapies humanistes que sont la, l’Analyse Transactionnelle, la Gestalt-Thérapie, l’Analyse Bioénergétique, la Psychothérapie Analytique – Existentielle, la Sophia Analyse, la Psychothérapie par le souffle, l’Approche Centrée sur la Personne et la Psychothérapie intégrative.

Sa spécificité consiste en une psychothérapie relationnelle ou psychothérapie du lien se basant sur la dynamique de la subjectivité et de l’intersubjectivité, intégrant la dimension du transfert.

La psychothérapie humaniste centrée sur la personne et expérientielle s’inscrit dans une dynamique de changement. En effet, sa méthodologie est axée sur le fonctionnement global de la personne, ses mécanismes psychiques conscients et inconscients (style d’attachement, cognitions, émotions, comportements) en lien avec la structure de personnalité et sur les ressources personnelles à mobiliser et à développer. Elle tient compte du monde expérientiel et intrapsychique du patient/client comme point de vue central et sur le rôle crucial de la qualité de la relation dans le soin psychothérapeutique.

Au sein de la rencontre psychothérapeutique, l’empathie, la présence personnelle, l’implication et l’alliance thérapeutique sont d’importants leviers pour faciliter et soutenir la croissance de la personne et de son expérience et en cela intégrant les apports rogériens.

2. Psychothérapie humaniste intégrative multi référentielle

2.1 Un fil rouge et une spécificité propre à chaque approche

Devant la floraison de multiples approches et techniques médicales et psychothérapeutiques, le patient et le soignant pourraient se trouver perdus sinon démunis. Nous aimons à rappeler l’importance d’un fil rouge qui donne structure à la prise en charge thérapeutique que ce soit en médecine ou en psychothérapie.

Comme vous avez pu le constater dans le premier chapitre consacré aux origines de l’approche humaniste, plusieurs courants de pensée ont permis l’éclosion et le développement des psychothérapies humanistes. Nous reprenons dans deux tableaux ci-dessous les origines (Tabl. 1) et la situation actuelle (Tabl. 2) afin que le lecteur et les futurs psychothérapeutes puissent s’y retrouver.

L’intégration signifie l’incorporation de nouveaux éléments à un système ainsi que l’établissement d’une interdépendance plus étroite entre les parties. Intégrer, c’est refuser la dispersion, c’est mettre du lien, du sens dans ce que vit notre patient. C’est se questionner mais aussi lui laisser le temps de se questionner. Cela nécessite donc de se former de manière très efficace et performante dans l’approche spécifique que l’on a choisi au départ et de compléter cette approche en intégrant d’autres regards et d’autres angles de vue.

L’intégration est un terme ombrelle qui recouvrirait une grande étendue de significations : un rapprochement entre différentes positions théoriques, une convergence d’idées et de techniques, une sélection variée de méthodes distinctes et une véritable intégration de psychothérapies plus spécifiques. Pour certains, les progrès théoriques et thérapeutiques potentiels seraient désormais limités au sein de chaque école. Une réelle source de progrès provient actuellement de l’extension de chacune d’elles par incorporation de théories et de faits cliniques provenant de champs d’investigation différents. Chaque approche se constitue en modifiant et en s’accroissant par d’autres apports à un système antérieur. L’intégration parfois nommée pluri-référentialité, acquiert progressivement une audience et une adhésion de plus en plus grandes. Les découvertes des neurosciences corroborent cette piste.

2.2 La psychothérapie humaniste actuelle

Elle est née par l’utilisation des apports provenant des courants théoriques divers : psychologie cognitive, courants humanistes, phénoménologiques, gestaltistes, reichiens et néo-reichiens, psychanalyse, analyse systémique, neurosciences, sociologie familiale, etc. Il ne s’agit pas d’une nouvelle approche mais d’un procédé qui emprunte clairement ses dispositifs aux approches citées. Cependant, les principales questions sont de savoir si ces techniques sont aussi différentes et aussi efficaces qu’elles le paraissent et si le fonctionnement psychique qu’elles décrivent ne présente pas des aspects communs qui pourraient être intégrés dans un modèle théorique plus complet et plus complexe ?

La question de cette intégration suppose des études scientifiques et comparatives. Comment intégrer cette pluri-référentialité ? Une psychologie clinique bien pensée pourrait concevoir l’intégration théorique et son corollaire, l’éclectisme technique.

De l’importance d’un fil rouge qui donne structure à la prise en charge thérapeutique

Si nous voulions résumer notre position quant à la prise en charge thérapeutique d’un patient, nous dirions qu’il s’agit avant tout d’avoir une vision holistique de l’individu. La vision holistique évoque une vision globale de l’être patient en face de nous qui consiste en sa prise en charge complète, même si nous ne nous occupons pas de tous les secteurs de sa vie.
Un fil rouge relierait tous les éléments et maintiendrait la structure dans son ensemble. Il s’agirait de placer la prise en charge du patient au sein d’un processus comprenant diverses polarités et non une vision univoque basée et contenue dans un seul mode de pensée, d’interprétation ou de compréhension du monde et des individus. L’intégration s’oppose au réductionnisme théorique. Si nous regardons ce fil rouge sous divers angles de vue, nous pourrions évoquer la personne du soignant, la personne du patient, la méthodologie, le contexte et la relation soignant-soigné.

  • a. La personne du soignant

Habiter son être paraît être un des éléments importants du fil rouge, de la colonne qui structure et sous-tend l’édifice. Et cet édifice est le thérapeute. Un thérapeute debout, structuré, bien dans sa tête, dans son cœur et dans son corps a plus de chance d’être structuré et de servir de pilier pour son patient.
Une approche phénoménologique où la relation à l’environnement, à l’objet, au non soi apparaît essentielle ; cet objet n’est pas uniquement l’autre mais le contexte dans lequel vit la personne, son milieu de vie, son univers professionnel, les personnes qui l’entourent, la société et la culture, etc. Il apparaît essentiel de ne pas nous occuper uniquement de l’intrapsychique du patient, mais également de nous préoccuper ou nous questionner à propos de sa santé, de son sommeil, de son équilibre affectif, financier, etc.

La question de l’autorité morale, due à la position sociale et de l’autorité sapientiale, due aux compétences supposées et réelles, du thérapeute demeurent primordiales. Soulignons ici, le danger de la toute-puissance du soignant médecin ou du psychothérapeute. La nécessité de la compétence professionnelle va permettre de porter un regard pluriel à la fois sur la personne, ses manières d’être au monde, son type de personnalité, son histoire personnelle, sa culture, sa race, ses aspirations philosophiques, etc. Rappelons ici l’exigence de la Loi sur les connaissances théoriques dans le domaine de la psychologie clinique, de la psychopathologie, de la psychopharmacologie, etc.

La prise en charge des patients nécessite de la part du psychothérapeute humaniste des compétences affective et réflexive, des compétences diagnostiques et thérapeutique.

  • b. Le style du psychothérapeute humaniste

Pour que la relation thérapeutique puisse être efficiente et qu’elle débouche sur un dialogue transformatif, les diverses études montrent que le style du thérapeute doit comporter diverses particularités, citées ci-dessus par LECOMTE et al.

  1.  La sensibilité aux caractéristiques du patient
  2.  La flexibilité dans le choix des interventions
  3.  La compétence d’intervenir sans induire un processus de résistance
  4.  La finesse de savoir suivre les styles d’adaptation du patient
  5.  L’habileté à construire une alliance thérapeutique
  6.  La sensibilité affective propre à favoriser un attachement sécurisant
  7.  La capacité à réguler des relations émotionnellement intenses et variables comportant des tensions et des ruptures
  8.  La réceptivité favorisant non seulement des réponses empathiques, mais encore des réponses d’acceptation chaleureuse empathique
  9.  La maîtrise et l’application pertinente de techniques adaptées aux besoins du patient
  • c. La personne du patient

Aborder la problématique du patient sous plusieurs angles. Tout d’abord sa personne comme telle dans son intégralité et ainsi sous deux angles complémentaires. D’une part l’son organicité et l’aspect inné de sa personne et ensuite son histoire personnelle avec son acquis et l’environnement particulier dans lequel il a vécu et il vit actuellemnt.

1. L’organicité et l’inné

Nous aurons à tenir compte de l’organicité de la personne en face de nous, de l’impact de l’inné (facteurs génétiques, hormonaux, traumatismes divers, affections ou maladies organiques, comorbidités, alcoolisme, toxicomanies, vulnérabilité génétique, fragilité du système nerveux autonome, etc.). En effet, des soubassements organiques, des facteurs d’organicité sous-tendent certaines affections mentales : citons quelques exemples !

 Personnalité borderline (hyperactivité des amygdales cérébrales, hypoactivité du cortex préfrontal et du cortex orbito-frontal)

 Troubles bipolaires (individus porteurs du gène présentent potentiellement une fragilité et vulnérabilité importances de facteurs de stress et environnementaux)

 Dépressions graves et grands suicidaires (réduction de calibre des faisceaux sérotoninergiques du locus coeruleus vers le cortex préfrontal)

 Troubles alimentaires (Rôle de la leptine hormone peptidique qui régule les réserves de graisses dans l’organisme et l’appétit en contrôlant la sensation de satiété)

 Troubles du sommeil (syndrome d’apnées du sommeil, Narcolepsie, etc.)

 Obsessionnalité – Impulsivité (rôle des déficits en sérotonine)

2. L’acquis et l’environnement

Nous aurons également à tenir compte des facteurs acquis (histoire familiale et à l’importance du narratif dans la prise en charge, de l’existence de traumatismes par excès ou par défauts , des familles d’anxieux, des réponses de type médical face à l’anxiété, cancérophobie, des réponses de type alimentaire face aux émotions, du climat de suspicion, des modes de fonctionnement culturel, notamment dans les populations minoritaires, du niveau socio-économique, des abus de substances licites et illicites)

  • d. La méthodologie

Un élément de base de la formation du soignant comprend sa capacité de communication et d’écoute active. Cela recouvre l’apprentissage de techniques de communication de base aux apports Rogériens, Balintiens, Winnicottiens, etc. De même, le psychothérapeute aura à accorder de l’importance au corps, au psychocorporel, aux perceptions sensorimotrices , et aux émotions, rappelant en cela le caractère indissociable entre corps et esprit.

Il paraît indispensable d’enseigner et donner de la place à la crise et à l’urgence (l’idéation suicidaire, la perte d’emploi, la délire, la décompensation psychotique et/ou dépressive, les pulsions homicides, les états de régression), mais en l’englobant dans un tout qui est le patient. Le psychothérapeute ne peut faire l’impasse, ni de la crise, ni du continuum du processus. En médecine, les hyperspécialisations sont indispensables mais elles comportent également un risque d’éclatement, de dispersion de l’individu patient en un morcèlement du soin tel qu’il pourrait risquer de perdre sa propre identité. Dans cette mouvance, beaucoup de jeunes médecins se spécialisent uniquement dans l’urgence, limitant ainsi de manière compréhensible, leur nombre d’heures de travail et ne devant plus assumer le continuum des soins de base, sectorisant également le patient dans sa prise en charge. En psychothérapie, l’arrivée de nouvelles techniques dérivées de découvertes des neurosciences amène certes un soulagement d’un nombre spécifique de plaintes mais risque également de sectoriser le soin et de ne plus poser ce regard holistique, global, humanisant l’ensemble de l’être souffrant en face de nous. Dans certains cas, les thérapies behaviouristes pourraient se limiter à certains aspects de la personne sans la recontextualiser dans son ensemble. De même les prises en charge limitées à un symptôme spécifique (l’obsessionnalité) ou à une problématique (p.e. le burn-out) risquent la même dérive.

Porter un regard global et systémique nous éloigne de la conception médicale stricte (cause–effet) pour envisager la problématique du patient sous un angle de circularité et d’évolutivité. Il permet aussi d’admettre l’importance des micro-changements qui modifient considérablement ces systèmes familiaux ou ces souffrances psychosomatiques.

Sommes-nous partisans ou non de la prise de distance par rapport au strict diagnostic psychiatrique enfermant la personne avec une étiquette qui va lui coller à la peau, à sa labellisation avec son danger de réductionnisme et de psychologisation ?

Ajoutons le danger d’une réponse médicamenteuse univoque à la souffrance psychique en minimisant ou supprimant l’importance du psychisme comme vecteur de changement et d’amélioration. La collaboration et la prise en charge multidisciplinaire respecte l’unicité du patient, évite son morcellement et le contient psychiquement.

  • e. Le contexte – la relation soignant-soigné

La position clinique de base accentue l’importance de la relation soignant-soigné et la nécessité d’un partenariat même si la relation reste asymétrique . Vont donc en découler les questions relatives aux mouvements transférentiels et contre-transférentiels ou dus à la relation réelle entre ces deux partenaires de la relation.

Nous insistons sur l’importance du réseau de santé avec l’inscription du psychothérapeute et du médecin dans ce réseau de santé plus large de l’art de guérir. Cela nécessite de la collaboration et de la coordination, ainsi que de la transmission des données importantes dans le respect du secret médical partagé et du contenu de l’intime. Psychothérapeute, médecin de famille, médecin psychiatre, psychologue du PMS, psychologue et médecin du travail, médecin conseil de la mutuelle, etc. se doivent de collaborer.

  • f. Une triple lecture du patient

Suivant la position clinique que nous assumons face au patient qui vient nous consulter, nous pouvons porter un triple regard ou une triple lecture de ce qui est amené par le patient en consultation, dans le respect du mandat qui nous est octroyé explicitement par le patient.

1ère lecture :

Une première lecture se ferait dans l’ici et maintenant de la plainte avec les comportements, les attitudes, les interactions et les modalités de contact entre les deux partenaires du soin.

2ème lecture :

Une seconde lecture permettrait avec le même matériel apporté par le patient de travailler sur les opposés ou les polarités, sur ce qui est dit et n’est pas dit et sur les émotions sous-jacentes. La capacité de regarder au-delà du symptôme physique ou psychique, au-delà de l’apparence de l’être et de ses comportements, de l’hypothèse diagnostique présupposée, de la maladie vécue va ouvrir considérablement les modalités de compréhension et de traitement. De même, le repérage des synchronicités, des isomorphismes entre ce que vit le patient dans le présent et dans son passé, et dans ce qui se rejoue en consultation, et/ou en supervision peut apporter aux deux partenaires du soin une compréhension plus large de ce qui se vit.

3ème lecture :

Les deux premières lectures sont possibles en psychothérapie et pourrait parfois l’être en médecine. La troisième lecture entrera plus dans le champ des prises en charge à orientation psychanalytique avec la perception des structures inconscientes, du niveau de l’inconscient personnel, familial et collectif. Ce niveau abordera également les niveaux des mécanismes de défense plus inconscients et archaïques tant sur les plans corporels qu’émotionnels et cognitifs. Tous ces aspects sont déclinés dans les chapitres 13 et suivants.
Osons enfin aborder l’importance de la relation herméneutique , de la psychoéducation et des notions de prévention primaire, secondaire et tertiaire, tant en médecine qu’en psychothérapie.

De même, tenir compte du contexte consiste à concevoir une distinction claire entre l’espace professionnel et l’espace privé, à poursuivre des impératifs d’éthique professionnelle et de respect de la déontologie.

Voilà donc le fil rouge de la conception de la relation thérapeutique vu par les psychothérapies humanistes.

Bibliographie

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